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Journal des jours sans toi
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11 août 2012

Des légendes et de l'image qu'elles nous offrent.

Il y a dans le pays où vous vous êtes rendue, des légendes et des mythes qui ont bercé une partie de mon adolescence, fier que j’étais de rechercher parmi les celtes des ancêtres que j’aurais peut être pu avoir.

Mais plus encore que les korrigans et la forêt de Brocéliande, que les aventures des êtres sur la lande et le cri des binious, il y a un être qui m’a marqué plus que les autres et pour lequel j’ai une affection toute particulière. Et pourtant, j’ai fait sa connaissance en Provence, en lisant un album de Spirou ; c’est dire si les circonstances sont parfois étranges.

 

Et donc, ce soir, pour vous, nous évoquerons le thème de ce grand bonhomme : l’Ankou.

 

Je ne sais pas si vous vous rappelez, mais nous avons un jour devisé pendant quelques temps sur les légendes de la table ronde et en particulier évoqué le cas du « chevalier de la charrette ». De fait, je suppose que vous devez vous rappeler de ce jour un peu spécifique ; c’était un vendredi après midi et, après avoir parlé littérature et mondes à part, nous avons quitté le lieu où nous étions assis pour nous rendre dans un autre moins bruyant ; là où d’autres mots furent échangés pour la première fois, plus tendres, plus doux, et un baiser volé. Mais je m’égare.

 

J’ai toujours apprécié la silhouette dégingandée de ce vieil homme au chapeau si reconnaissable, ses pas précédés par le grincement affreux et perturbant de son attelage et son aspect ancien, fugitif, fantomatique. J’ai pensé plus jeune que si je venais à disparaître un jour, je préfèrerai que ce soit entre les mains de ce grand bonhomme à la mine sombre plutôt que dans les griffes osseuses d’une dame-squelette à la faux terrifiante. Il me semble plus amène, plus calme et pourtant plus mystérieux encore que celle dont la représentation est devenue tellement banale qu’elle sert tout juste à effrayer les petits vieux le soir d’Halloween lorsqu’ils pensent la voir en vrai venir les chercher pour les mener en enfer.
Non, là nous avons l’image d’un type étrange et particulier qui sert de Charon aux hommes mais dont nul ne connaît réellement la destination finale, dont personne ne sait où il va déposer par la suite les âmes qu’il a collecté. J’en ai rêvé de ce grand échalas et de son visage creusé, et pourtant ce n’était pas un cauchemar ni une sombre terreur qui me prenait à la gorge lorsque j’y songeais, non ; plutôt une infinie tristesse et un sentiment étrange de nostalgie et de pitié mêlée. Un regard plus doux posé sur cet être passeur dont la représentation orne encore les vieux livre, avec sa capeline déchirée et son chapeau de chouan, son air triste et désolé lorsqu’on le voie venir chercher ceux dont la souffrance n’est plus physique mais reste dans la peine qu’ils infligent à ceux qu’ils quittent. C’est de cette personne qu’on parle dans « Le Chevalier de la charrette » lorsqu’on implique que Lancelot se rabaisse à avancer dans un attelage qui ne sied pas à sa nature noble ; lorsqu’on sous entend qu’il n’a pas peur même d’affronter la mort en face pour aller sauver celle qu’il aime et pour laquelle il donnerait jusqu’à son dernier souffle.

 

La légende veut que la dernière personne à être emportée par l’Ankou au cours de la dernière nuit de l’année prenne sa place pour l’année à venir. Je crois que, quelque part, elle me plaît cette fin là et que si jamais je pouvais choisir, j’aimerai disparaître au cours de cette nuit, dans quelques années. Si vous entendez le grincement d’un vieil essieu et qu’il pleut fort à l’endroit où nous nous trouverons alors, ne pleurez pas. Vous saurez qu’à mon tour je deviens passeur et que, en arpentant la lande, j’aide les âmes bien nées à disparaître pour mieux trouver cet endroit si étrange et mystérieux qui nous attire tous un peu.

Et si je suis collecteur d’âme à mon tour, vous me remercierez d’un de vos sourire : vous pourrez dire que le surnom dont vous m’affubliez de mon vivant était juste et que vous aviez raison.

 

En attendant, faîtes attention en vous promenant à la nuit tombée, si comme à votre habitude vous prenez le temps d’aller observer les étoiles ; je n’ai nulle envie que mon prédécesseur ne vous croise et ne vous ôte à mon regard.

 

 

Une fleur de sel et un grain de beauté.

Une bruine coriace et un souffle guilleret.

Un grincement rouillé, une note salée.

Et pour vous, toujours, mes baisers. 

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